QU’EST-CE QU’UN DYSFONCTIONNEMENT ?
L’accès aux services publics ou aux droits des étrangers se trouve entravé par certaines administrations ou par certains agents administratifs au sein de ces administrations qui exigent des étrangers de remplir des conditions non prévues par la loi. Ces exigences traduisent des dysfonctionnements importants de l’administration lorsqu’elles sont récurrentes ou systématiques et sont sources de discriminations notoires, caractérisées par la privation de droits qui constitue un obstacle majeur à l’intégration des étrangers.
Ces dysfonctionnements touchent toutes les administrations à des degrés divers : préfectures, CAF, CPAM, Mutualité Sociale Agricole, Impôts, consulats, Pôle emploi, etc. ou des institutions privées comme les banques.
Les dysfonctionnements ont été identifiés par ESPACE après un premier recueil d’informations auprès des acteurs de l’intégration travaillant dans les structures d’accueil des étrangers.
Début octobre 2015, la liste des dysfonctionnements manifestes dans le champ du droit au séjour a été dressée. Afin de demeurer à jour, dans le cadre de ses réunions de coordination associative, ESPACE se charge de vérifier si ces dysfonctionnements sont toujours d’actualité ou si de nouveaux dysfonctionnements sont apparus.
Ces outils peuvent vous servir à débloquer individuellement des situations. Malgré tout, dans bien des cas, l’administration peut continuer à faire la sourde oreille. Pour ceux-ci, il peut être utile d’utiliser les services du Défenseur des droits (DDD), qui à plus long terme pourra adopter des recommandations et faire pression sur l’administration.
Le dysfonctionnement constaté peut résulter d’instructions écrites (circulaires) ou d’un formulaire exigeant une pièce non prévue par la loi (par exemple le passeport pour des catégories d’étrangers qui en sont presque systématiquement dépourvus, comme les mineurs isolés étrangers ; dysfonctionnement 7). Dans ce cas, l’identification de quelques cas pourrait suffire à saisir le DDD.
Dans d’autres situations, seule la concordance des informations relevées par différents acteurs permettra d’identifier des pratiques récurrentes de barrage à l’accès aux droits. C’est donc à partir d’un certain nombre de cas que l’on peut envisager la saisie du DDD.
Pour nous signaler tout nouveau dysfonctionnement, veuillez nous contacter à cette adresse.
LEXIQUE
VLS : Visa Long Séjour ; TS : Titre de Séjour ; RCPC : Récépissé ; DCEM : Document de Circulation pour Étranger Mineur ; TIR : Titre d’Identité Républicain ; CST : Carte de Séjour Temporaire ; DA : Demandeur d’Asile ; APS : Autorisation Provisoire de Séjour ; ASE : Aide Sociale à l’Enfance ; AME : Aide Médicale de l’État ; CEAM : Carte Européenne d’Assurance Maladie ; ASPA : Allocation de solidarité aux personnes âgées ; ASI : Allocation supplémentaire d’invalidité ; CASF : Code de l’action sociale et des familles ; CNSS : Caisse nationale de sécurité sociale algérienne ; CR : carte de résident ; CSP : Code de la santé publique ; CSS : Code de la sécurité sociale ; EM : Etat membre (UE+EEE+Suisse)
DYSFONCTIONNEMENTS DES PRÉFECTURES
#1 Demande de retourner demander le VLS dans le pays d’origine pour conjoint(e) d’une ou d’un Français marié(e) en France avec entrée régulière et 6 mois vie commune.
Législation : La demande du VLS peut être déposée en même temps que la demande de TS à la préfecture – L.211-2-1 CESEDA.
#2 Remise d’un RCPC sans autorisation de travail pour conjoint(e) d’une ou d’un Français marié(e) en France avec entrée régulière et 6 mois vie commune.
Législation : Le RCPC autorise son titulaire à travailler – R.311-6 CESEDA.
#3 Exigence d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche pour mineur(e) bénéficiant de plein droit d’un TS à sa majorité (ex. entrée par regroupement fam. ou avant 13 ans). Demande anticipée d’un TS à 16 ans.
Législation : Il suffit de déclarer vouloir exercer une activité professionnelle salariée – L.311-3 CESEDA.
#4 Exigence de conditions de ressources et d’une assurance maladie pour ressortissant d’un pays tiers membre de famille d’un Européen (UE+EEE+Suisse) exerçant une activité professionnelle. Demande de TS
Législation : Seule condition imposée : l’exercice d’une activité professionnelle du membre de famille européen. Seuls le contrat de travail et le justificatif du lien familial peuvent être exigés. L.121-3, R.121-14 al.1 CESEDA.
#5 Exigence d’un passeport pour DCEM et TIR
Législation : N’est pas prévue dans la liste des pièces exigées – D.321-18 CESEDA.
#6 Remise d’une APS au lieu de CST, privant d’une autorisation de travail, aux étrangers malades ayant leur résidence habituelle en France (condition remplie si résidence en France depuis plus d’un an) pour étranger malade L313-11, 11e (ou 6,7e Accord franco-algérien)
Législation : résidence habituelle en France (condition remplie si résidence. en France. sup. à 1 an) : délivrance CST. Art. L313-11, 11e . Sinon délivrance d’une APS : art. R313-22 (ou titre III protoc. Accord franco-algérien).
#7 Exigence d’un passeport pour étranger admissible au séjour sur place dispensé de VLS pour la 1ère délivrance TS (cf. catégories ci-dessous)
Catégories : Parent d’enfant français, principales attaches familiales en Fr., gravement malade, entré en France avant 13 ans, rente AT-MP TII égal ou supérieur 20%, apatride, conjoint d’un étranger bénéficiaire d’une carte longue durée UE délivré par un autre État membre et admis au séjour en France, mineur confié ASE, admission exceptionnelle au séjour pour motifs humanitaires, victime traite des humains ou proxénétisme et ayant déposée plainte.
Législation : N’est pas prévue ni par la loi ni par la jurisprudence. R.313-1 et R.313-2 CESEDA.
#8 Rétention du titre si non-paiement des taxes OFII et du visa de régularisation pour délivrance TS et taxes
Législation : Illégal. TA Lyon, 4 avr. 2013, n° 1300745 ; ordonnance de remettre TS et proposer modalités différées, TA Marseille, 15 mai 2017, no 1703422
Fiche détaillée (en cours…)
#9 Refus de remettre un RCPC avec autorisation de travail en vertu de l’art. R.311-6 et remise à la place d’une autorisation provisoire de séjour sans autorisation de travail en vertu de l’article L.742-1 pour enfants de réfugiés ayant atteint l’âge de 18 ans
Législation : Que l’enfant de réfugié réclame ou non le statut de réfugié pour lui-même, il relève de l’art L 314-11, 8°. Aucune raison de le considérer comme un DA et de privilégier l’application de l’art. L 742-1 à celle de l’art. R 311-6
Fiche détaillée (en cours…)
#10 Pratique consistant à faire un pré-examen au fond de la demande de titre de séjour (ou à exiger une pièce/condition non nécessaire), pour en conclure que la personne ne peut prétendre à la délivrance de celui-ci et donc lui refuser la possibilité de déposer son dossier dans la situation d'un refus de guichet (cf. exemple ci-dessous)
Exemple : Conjoints de Français dépourvus de VLS, ascendants algériens de Français dépourvus de VLS, adultes accompagnants d’un adulte malade, parents d’enfant malade, non-application de L313-14 aux Tunisiens et Algériens, demandeurs n’ayant qu’une domiciliation administrative, les étrangers justifiant de 10 ans de présence habituelle pour preuves insuffisantes, étrangers malades DA déboutés, personnes dont le dossier VPF est jugé a priori insuffisante etc.
Législation : L’agent au guichet n’est pas habilité à prendre une telle décision. Art. R311-6, R311-21, Circ. 28 nov. 2012
Fiche détaillée (en cours…)
#11 Omission de délivrer un récépissé, privant l’étranger dans certains cas de l’autorisation de travail ou de droits sociaux dans la situation d'une 1ere demande de TS par envoi postal. Remise d’un accusé de réception ou d’une attestation à la place d’un RCPC.
Législation : Art. R.311-4 CESEDA Récépissé « à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement » et R311-6.
Fiche détaillée (en cours…)
#12 Paiement des taxes pour étranger victime (esclavage, proxénétisme)
Législation : Exonération (délivrance et renouvellement) L311-18 CESEDA
Fiche détaillée (en cours…)
ACCÈS AUX DROITS SOCIAUX
#1 Exigence d’un titre de séjour pour le bénéfice des prestations sociales sollicitées pour les ressortissants d’un pays tiers (hors UE+EEE+Suisse) membre (ou ancien membre) de famille d’un citoyen européen ayant un droit au séjour en France notamment en tant que travailleur
Administration(s) : CAF, CPAM, CG, Pôle Emploi etc…
Législation : Le bénéfice des prestations sociales n’est pas subordonné à la justification d’un titre de séjour pour les ressortissants d’un pays tiers ayant un droit au séjour en tant que membre de famille (ou ancien membre de famille) d’un citoyen UE justifiant d’un droit au séjour notamment car exerçant une activité professionnelle. Seuls les justificatifs du lien familial (ou ex. lien familial) et du droit au séjour du citoyen européen peuvent être exigés. R121-14 et R121-14-1 CESEDA ; circ. min. 21 nov. 2011
Fiche détaillée (en cours …)
#2 Refus droits AME et renvoi vers la CEAM et/ou la justification de l’absence de droits couverture maladie dans l’Etat ayant délivré la carte de séjour en cours de validité pour ressortissants d’un pays tiers (hors UE+EEE+Suisse) résidant en France depuis plus de trois mois avec une carte de séjour en cours de validité délivrée par un autre Etat membre de l’UE et/ou une CEAM en cours de validité attestant de droits à la prise en charge des frais de santé dans un autre Etat membre de l’UE+EEE+Suisse
Administration(s) : CPAM
Législation : Les ressortissants d’États tiers en situation irrégulière sur le territoire français ne sont pas autorisés à bénéficier de la prise en charge de leurs frais de santé par les mécanismes dits CEAM, S1 ou S2 prévus par la coordination européenne des régimes nationaux de sécurité sociale des États membres de l’UE+EEE+Suisse. En conséquence, les refus d’admission à l’AME opposés à ceux d’entre eux qui justifient résider en France depuis plus de trois mois au motif que « vous êtes assuré dans un autre Etat membre», « vous ne démontrez pas ne pas avoir de droits dans un autre Etat membre » ou « vous disposez d’un titre de séjour délivré par l’Espagne et toujours en cours de validité », sont illégaux. Art. 1e et considérant 11 du règlement UE n°1231/2010
Fiche détaillée (en cours …)
#3 Exigence de ressources suffisantes et d’une couverture maladie pour citoyens UE+EEE+Suisse non titulaires d’un titre de séjour en cours de validité mais ayant un droit au séjour sans avoir besoin de justifier de ressources suffisantes et d’une couverture maladie ...
… (travailleur à temps partiel, ex. travailleur en chômage involontaire, membre de famille d’un travailleur ou assimilé, membre de famille séparé, bénéficiaire d’un droit au séjour permanent, etc.).
Administration(s) : CAF, CPAM, CG, etc…
Législation : La justification du droit au séjour (en tant que travailleur, ex. travailleur, membre de famille d’un travailleur ou assimilé, membre de famille séparé, bénéficiaire du droit au séjour permanent, etc.) suffit pour accéder aux prestations sociales. Directive n°2004/38/CE et règlement UE n°492/2011.
Fiche détaillée (en cours …)
#4 Exigence de ressources suffisantes et d’une couverture maladie pour citoyens UE+EEE+Suisse inactifs avec titre de séjour en cours de validité (APS, CST, CR).
Administration(s) : CAF, CPAM, CG, etc…
Législation : La justification du titre de séjour en cours de validité suffit. L160-1 CSS (frais de santé); L512-2 CSS (prestations familiales) ; L262-6 CASF et CE réf. 26.11.2012 n°357468 (RSA) ; L815-1 et L816-1 CSS (ASPA et ASI).
Fiche détaillée (en cours …)
#5 Refus droits AME (si situation irrégulière) ou droits assurance maladie sur critère de résidence stable et régulière (si situation régulière) et renvoi vers la CNSS algérienne et/ou la justification de l’absence de droits couverture maladie en Algérie pour ressortissants algériens résidant en France en situation régulière ou irrégulière (préciser le cas échéant si la personne concernée est une personne algérienne ou un membre de sa famille résidant avec elle) titulaire d’une pension de retraite, de réversion, d’invalidité ou d’accident du travail.
Administration(s) : CPAM
Législation : Les accords franco algériens de sécurité sociale et leur application par les institutions algériennes ne permettent pas la prise en charge des frais de santé par la CNSS algérienne pour les ressortissants algériens résidant en France. Convention générale de sécurité sociale franco algérienne et ses protocoles additionnels.
Fiche détaillée (en cours …)
#6 Refus de prestations sociales en méconnaissance des conventions internationales plus favorables que les dispositions légales et réglementaires pour étrangers bénéficiaires du principe d’égalité de traitement prévu par les conventions internationales en matière de sécurité sociale et/ou d’aide sociale
Administration(s) : CPAM, CAF, CG, CARSAT, MSA, etc…
Législation : Les textes internationaux ont une valeur supérieure aux lois et règlements français. Art. 55 de la Constitution française. Exemple : Non application aux algériens de la condition de 5 ans (RSA) et de 10 ans (ASPA, ASI) de titres de séjour autorisant à travailler. Accords d’Evian. Lettre Circ. CNAF n°2010-067 (RSA) et Instr. réseau CNAV n°2014-21 (ASPA) ; voir les autres exemples dans la fiche détaillée.
Fiche détaillée (en cours …)
#7 Refus de prestations sociales faute d’immatriculation définitive (n°INSEE) subordonnée à la production d’un acte d’état civil (apostillé, de moins de 3 mois, transcrit au registre d’Etat civil à Nantes, etc.) non produit pour Etrangers résidant en France, mais non immatriculés définitivement (absence d’attribution d’un n°INSEE ou de sécurité sociale définitif dit « NIR »), demandant le bénéfice de prestations sociales
Administration(s) : CPAM, CAF, etc…
Législation : Aucun texte ne subordonne le bénéfice d’une prestation sociale ou l’ouverture de droits sociaux à une immatriculation définitive préalable (attribution d’un numéro INSEE ou de sécurité sociale définitif dit NIR).
Fiche détaillée (en cours …)
AUTRES ADMINISTRATIONS